samedi 8 mai 2021

Vers une « Société Zombie »

 


La peur de l'inconnu nous accompagne depuis l'aube des temps. Plusieurs avatars de l'épouvante se sont succédés afin de tenir ce rôle : ainsi le Diable, la succube (et sa variante, la goule), la pieuvre géante, la sorcière, le fantôme, le vampire ou encore, l'extraterrestre à l'ère de la conquête spatiale. Mais une figure est particulièrement populaire, et monte en puissance depuis environ les années 1980 : celle du zombie. Elle imprègne à tel point l'ensemble des catégories de l'industrie du divertissement, à travers les films, les séries, les romans et les jeux-vidéos, qu'il est difficile de passer à côté. Pourtant, il ne semble pas que nous ayons pris la peine de nous interroger sur les raisons d'un tel succès.

Malheureusement, il est fort à craindre qu'à l'image du zombie lui-même, ces dernières ne soient guère rassurantes. Certains d'entre-nous ne s'en rendent pas forcément compte, mais le XIXe siècle, à côté de ses grandes figures historiques, fut également l'âge du vampire. Loin d'être né, sous sa forme moderne, sous la plume de Bram Stocker (même si celui-ci lui donna ses lettres de noblesse), le vampire, en tant que personnage charismatique, apparut dès 1819 dans le récit de l'anglais John Polidori (1795-1821), avant de revenir en 1897 dans le « Dracula » de Stocker qui l'assimila à Vlad III Dracul, prince de la Valachie.

Bien que le vampire soit un mort-vivant, ce qui fait de lui le cousin du zombie, des différences fondamentales les séparent. L'un est élégant, racé et charmant, l'autre en haillons, vulgaire, et défiguré ; l'un est intelligent et très cultivé, possédant dans son château une bibliothèque fournie, tandis que l'autre ne possède pas même de conscience propre, partageant la sienne avec celle de sa meute, la caractéristique profonde des zombies étant de ne pas se différencier les uns des autres ; l'un est solitaire, retiré dans les montagnes et se maîtrise tandis que l'autre erre, sans but, parmi ses semblables, repérant qui n'est pas comme lui et, le cas échéant, souhaitant immédiatement lui nuire.

Le zombie est le monstre de la masse.

Le vampire est celui de l'aristocratie.

À l'époque, la figure du vampire, dont les origines remontent au début du XVIIIe, s'inscrivait dans une époque culturellement raffinée, recherchée, et ses caractéristiques (hormis son goût du sang...) sont, en réalité, dans une certaine mesure, les reflets de son siècle. Par exemple, le magnétisme érotique qui se dégage de Dracula renvoie aux tabous de la morale puritaine de l'Angleterre du dernier tiers du XIXe siècle, laquelle se caractérisait par une grande retenue dans l'expression des sentiments ainsi que par le port de vêtements aux couleurs sombres. Montrer un bout de peau était ainsi considéré comme mal élevé.
 
 

 
Les choses ont changé, l'époque aussi. Et si le succès du zombie résidait dans le reflet qu'il nous renvoie de nous-mêmes ? Nos sociétés traversent une profonde crise de sens et d'identité. Et, à la manière de zombies, nous errons sans but et sans identité. En fait, le retrait de la figure du vampire au profit du zombie réside peut-être là. Nous entrons au plan symbolique dans une société de morts-vivants d'où s'échappent, à grands traits, les trois piliers de la civilisation occidentale, hellénisme, romanité et christianisme, au bénéfice d'une stérilité culturelle. Alors que, depuis la seconde moitié du XXe siècle, la civilisation occidentale s'érode à sa périphérie, elle n'en cherche pas moins à se faire passer pour une culture vivante, susceptible de produire les sources culturelles fécondes dont nous avons aujourd'hui besoin. Elles pourraient bien entendu nous permettre de refaire société, mais à condition de trouver les bonnes : ce que ne sont ni le wokisme, ni le mouvement intersectionnel.
 
L'explosion de la société, en vertu de l'exacerbation des différences religieuses, de sexe et de race, n'augure rien de bon non plus que la baisse du Quotient Intellectuel (Q.I.) en Occident, remarqué tant au Royaume-Uni qu'en France, qu'en Norvège, qu'en Finlande et aux Pays-Bas, jusqu'en Australie, causé par plusieurs facteurs (notamment la présence de perturbateurs endocriniens dans notre eau de consommation, et la disparition de la sélection naturelle par les efforts de la médecine et de l'hygiène). À terme s'annonce une société zombie, prise entre l'enclume du constructivisme et le déclin de l'intelligence, si tant est que nous fassions encore société d'ici quelques années.
 
L'apocalypse zombie a commencé.