samedi 21 septembre 2024

Qui est le (vrai) chef des armées ?

 

Il y a quelques temps, une parole de Marine Le Pen a provoqué un débat au sein de la sphère politique et du petit monde du droit public : d'après elle, le titre de chef des armées dont bénéficie le Président de la République serait purement honorifique. Qui donc est alors, en France, le -véritable ! chef des armées ? Est-ce le Président de la République, si l'on s'en tient à l'article 15 de la Constitution du 4 octobre 1958, ou son Premier ministre, en vertu de l'article 20 ? La polémique est bien connue, en particulier des experts du droit constitutionnel puisqu'elle remonte à la première cohabitation (1986-1988), si ce n'est plus puisqu'elle découle, en réalité, de la prétention du « domaine réservé » du chef de l’État, d'après laquelle ce dernier exercerait une prééminence sur certains secteurs de la politique nationale : la défense et la politique étrangère. En définitive, cette controverse traverse toute la Ve République en l'absence de réponse claire de la Constitution de 1958.

En la matière, l'article 20 de la Constitution a été abondamment cité : « Le Gouvernement dispose de l'Administration et de la force armée ». Soit. En l'espèce, l'emploi du singulier est à relever puisque « la » force armée est une expression pour le moins inclusive, qui peut regrouper « les » forces armées au pluriel (donc l'armée) aussi bien que les forces de sécurité intérieure, telle que la police -qui est bien une « force » armée, c'est l'évidence même. Pour le dire autrement, le fait que le Gouvernement dispose de « la » force armée peut, tout simplement, renvoyer comme en écho au monopole de la violence physique légitime, quoique de manière maladroite, ce monopole étant d'après Max Weber celui de l’État alors qu'il devient, dans l'article 20, celui du Gouvernement. Je ne prétends pas que ce soit le cas : c'est seulement l'une des interprétations possibles, puisque rien ne la contredit ouvertement.

Mais même dans ce cas, l'article 15 de la Constitution faisant du Président le chef « des » armées (l'emploi du pluriel étant précis et non équivoque) et l'article 20 mentionnant « la » force armée, il en résulte que le Président de la République n'a alors d'autorité que sur l'armée (tout ce qui est précis étant exclusif), alors que le Gouvernement, dirigé par le Premier ministre, en a alors non seulement sur la police (qui relève de l'autorité du Ministre de l'Intérieur) mais également sur l'armée (dans une proportion à déterminer), sur la base d'une lecture certes extensive, mais que Georges Pompidou ou De Gaulle ne renieraient peut-être pas complètement, en particulier sur l'emploi de la police (au demeurant faut-il rappeler que les événements de Mai 1968 vont en ce sens).

En outre, l'article 19 de la Constitution dispose également que le Premier ministre est responsable de la défense nationale. Sous réserve des dispositions de l'article 13, il nomme aux emplois civils et militaires de l’État, conjointement avec le Président de la République. Il faut noter aussi que l'article 35 de la Constitution énonce que le Gouvernement « informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger » en lui précisant ses objectifs. En revanche, cet article 35 a ainsi été rédigé en raison de la nature parlementaire, quoique particulière, de la Ve République, le dialogue entre le chef de l’État (qui décide, dans le cadre de la pratique du régime, de l'envoi de troupes à l'étranger) et le Parlement passant, nécessairement, par le Premier ministre et son Gouvernement, en dehors du droit d'intervention du Président devant le Congrès (depuis 2008) ou de son droit de message à l'adresse des assemblées parlementaires.

Mais que le Gouvernement dispose de la force armée suffit-il à faire de lui le véritable chef des armées, face à un Président de la République qui préside, notamment, les conseils et comités supérieurs de la défense nationale, et duquel relève exclusivement la décision d'engager l'arme nucléaire stratégique en cas de guerre ?

En effet, le fait de « disposer » d'une chose n'implique pas que l'on en soit le propriétaire ou le titulaire, en témoigne, par exemple, le droit civil avec la responsabilité du fait des choses (art. 1242 du Code civil). Ce régime permet d'invoquer la responsabilité du gardien d'une chose en cas de dommage causé par celle-ci. La garde de la chose peut se définir comme le pouvoir de fait sur la chose : est gardien celui qui en a la garde matérielle, celui qui en a l'usage, la direction et le contrôle. En l'espèce, l'attribution de ces caractéristiques est décisive, puisque c'est elle, qui tendrait donc à dire qui, du Premier ministre ou du Président de la République, dirige effectivement l'armée.

Or celui qui exerce sur une chose les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle en est le gardien « ... même s'il n'est pas en mesure d'exercer lesdits pouvoirs » (Cass. Civ. 2ème, 1er mars 1967). En droit, le propriétaire est certes présumé être le gardien de la chose, mais il s'agit d'une présomption simple car le propriétaire peut en avoir transféré la garde à un autre, volontairement ou non. Cela ne signifie pas qu'il n'en est plus le propriétaire, cela n'emporte pas la fin de son droit de propriété : il n'a simplement plus le pouvoir effectif sur la chose. Le fait de recourir aux ressources du droit civil pour éclairer certaines ambiguïtés du droit constitutionnel peut ici s'avérer pertinent.

A première vue, les trois conditions semblent réunies. D'abord, le Gouvernement a bien un pouvoir d'usage de cette « chose » : il en a la maîtrise dans son propre intérêt, ou plutôt dans l'intérêt de sa politique puisque c'est la « politique de la Nation » qu'il détermine et conduit. Or par définition la politique de la Nation ne se divise pas, elle est « une ». Ensuite, il en a le pouvoir de direction (celui de décider de la finalité de cette chose), ou plutôt la Constitution s'en charge pour lui : l'alinéa 2 de l'article 20 se rattache directement à l'alinéa 1er dans la mesure où, si le Gouvernement dispose de l'Administration et de la force armée (al. 2), c'est justement pour avoir les moyens de conduire sa politique (al. 1er). Et le pouvoir de contrôle s'entend comme de la capacité à prévenir le fonctionnement anormal de la chose : c'est déjà plus vague dans le cas de la force armée, mais il est tout à fait raisonnable de concevoir que ce soit au Gouvernement de veiller à ce que l'armée et la police soient en état de faire leur travail en veillant, par exemple, à les maintenir à des effectifs suffisants, à renouveler leur stock d'armes et de munitions et à faire entretenir les véhicules, ce à quoi servent notamment les lois de finances et lois de programmation militaire concernant les crédits et les objectifs alloués à la politique de défense.

En l'occurrence, il faut noter que le président Mitterrand avait refusé, en 1986, de signer des ordonnances visant aux privatisations décidées par le Gouvernement Chirac, au motif qu'elles compromettraient l'indépendance nationale, dont la Constitution (à l'art. 5) faisait de lui le gardien. Mais ce point précis n'emporte aucune réponse définitive quant au fait que le chef de l’État soit ou non le véritable chef des armées : s'il montre que le Président possède également une capacité de « contrôle » sur la chose (en prévenir lui aussi le fonctionnement anormal), il paraît très insuffisant pour en tirer une conclusion sentencieuse.

Et, d'un autre côté, si le Premier ministre peut voir certaines de ses ordonnances bloquées au motif qu'elles portent atteinte à l'indépendance ou à la capacité nationale de défense, le Gouvernement conserve, de son côté, sa capacité de contrôle de la chose : pour autant que certains de ses actes politiques puissent être bloqués par l’Élysée, la propre capacité du Premier ministre à prévenir le fonctionnement anormal de la force armée n'en est pas diminuée pour autant, puisque le pouvoir de contrôle sur la chose s'entend comme de la capacité à prévenir son fonctionnement anormal (s'il le veut, ou du moins s'il s'en rend compte, ce qui est déjà une autre question...) et non pas à le permettre, non pas à pouvoir le mettre en œuvre : c'est toute la subtilité de la chose -sans un mauvais jeu de mot.

En revanche, une exception semble se dessiner dans le cas du pouvoir de « direction » de la chose : il faut signaler que, si le Gouvernement dispose de la force armée, donc aussi par implication des forces armées (mais pas que...) pour conduire la politique de la Nation (art. 20 al. 1er de la Constitution), c'est dans le cadre des attributions conférées au Président de la République qui est le gardien de la Constitution, l'arbitre du fonctionnement régulier des pouvoirs publics et de la continuité de l’État, ainsi que, surtout, le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités (art. 5 de la Constitution). Pour le dire autrement, la politique du Gouvernement, au service de laquelle sont placées l'Administration et la force armée, doit se faire dans le respect de l'article 5 de la Constitution d'octobre 1958.

De facto, le Président étant soumis au respect de ces engagements, dont le volet « politique extérieure » est le plus important dans le cas qui nous préoccupe (indépendance nationale, intégrité du territoire, respect des traités...), il paraît pour le moins difficile de ne pas lui reconnaître également un pouvoir conjoint de direction de la chose, c'est-à-dire la capacité à décider de sa finalité. Cela s'apparente surtout, en réalité, à la capacité du chef de l’État à empêcher que le Gouvernement en fasse un usage contraire aux missions énoncées à l'article 5 de la Constitution -ce qui revient, in fine, exactement au même...

Une autre question porte sur la présidence des conseils et comités supérieurs de la défense par le chef de l’État. Sur ce point, le professeur Anne-Marie Le Pourhiet a raison de souligner que présider ces comités n'implique pas nécessairement le fait d'y imposer ses vues -encore que, le Président étant en charge de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités, il paraisse logique que les membres de ces comités se soumettent à ses vues, même si cela doit se faire après que chaque participant ait livré avis et suggestions pour que le Président prenne la décision la plus éclairée qui soit.

En revanche, la difficulté principale, pour conclure que le Premier ministre est le chef fonctionnel de l'armée, réside dans la décision d'engagement de la force nucléaire stratégique. Les dispositions afférentes sont contenues dans le Code de la Défense, aux articles R*1411-1 à R*1411-18. Un distinguo y est fait entre, d'une part, la décision ou la capacité d'engager la force nucléaire stratégique (et l'impossibilité de la mettre en action sans ordre de sa part), et, d'autre part, le contrôle « gouvernemental » de la dissuasion nucléaire. Au terme de l'article R*1411-8 du Code, ce contrôle gouvernemental est exercé dans trois domaines complémentaires et indissociables dont l'engagement de la force nucléaire, avec pour finalité de garantir à tout moment au Président de la République la capacité d'engager les forces nucléaires et d'en rendre impossible l'emploi sans ordre de sa part. En outre, ce contrôle gouvernemental s'exerce aussi pour assurer l'intégrité des moyens de dissuasion nucléaire, afin de garantir au chef de l’État que ces moyens sont à l'abri d'actes hostiles ou malveillants et des atteintes au secret de la défense nationale (ce qui rappelle le pouvoir de contrôle sur la chose, c'est-à-dire la capacité à en prévenir « le fonctionnement anormal »).

En l'occurrence, le fait que le Président ait le dernier mot quant à l'engagement de la force nucléaire stratégique (art. R*1411-5 du Code de la Défense), est, sans doute, l'élément décisif qui empêche de considérer le Premier ministre comme le véritable chef des armées, nonobstant les considérations pré-citées, cela signifiant que le chef de l’État en a la capacité d' « usage ». Quand bien même le Gouvernement veillerait-il à prévenir le fonctionnement anormal de la chose (de cette force nucléaire) et en aurait-il la capacité de direction (en décider de la finalité), la capacité d'en faire usage lui échappe, l'ordre d'engagement ne relevant pas de la compétence du Premier ministre.

C'est en période de cohabitation que semblables dispositions ou du moins, semblables incertitudes, ont pu se révéler si importantes. A titre d'exemple, l'ancien Premier ministre Lionel Jospin s'était opposé à l'intervention militaire de la France en Côte d'Ivoire pour soutenir Henri Konan Bédié (chassé du pouvoir par un coup d’État), alors qu'un accord de défense existait entre ces deux États et que des troupes françaises étaient basées à Abidjan. Le conflit entre Lionel Jospin et le Président Chirac s'était soldé par un recul du second.

En définitive, s'il y a une conclusion à tirer des observations précédentes, c'est bien que si le Président, pour continuer à filer la métaphore avec la responsabilité civile, est le titulaire, le « propriétaire » de la chose (naturellement, je sais bien que l'armée est au service de la Nation, je n'applique la qualité de « propriétaire » au Président de la République que pour tenter de trancher ce débat), ni l'un ni l'autre n'en sont vraiment le gardien exclusif : en cas de désaccord, tous deux semblent être en mesure de paralyser leur action par les attributions que la Constitution et que leur position politique réciproque leur accorde (ne serait-ce que parce que la décision du Président d'intervenir à l'étranger doit être relayée par le Gouvernement, en vertu de l'article 35 al. 2 de la Constitution). En fait, ce « pas de deux » paraît surtout être une incitation indirectement adressée au chef de l’État et au Premier ministre, à surmonter leurs différends et à conjuguer leurs vues dans un domaine aussi fondamental que celui de la Défense.

lundi 26 février 2024

La nuit du 4 août 1789 : abolition ou « transfert » des privilèges ?

 

C'est une ritournelle bien connue : au cours de la célèbre nuit du 4 août, les députés du Tiers-État, réunis en Assemblée nationale depuis leur proclamation du 17 juin 1789 (un mois après la réunion à Versailles des États-Généraux), décidèrent d'abolir les privilèges : autant la justice seigneuriale et les droits personnels et réels que la vénalité des offices et les privilèges des villes et provinces. Pourtant, il est possible de retenir une autre lecture de l'événement. Elle m'est fournie par Max Stirner (1806-1856), un philosophe disciple de Hegel et considéré comme le précurseur de l'anarchisme individualiste.

D'après lui ce n'est pas dans l'abolition des privilèges qu'aurait consisté la nuit du 4 août, mais dans leur transfert à la bourgeoisie, Stirner pointant du doigt la fiction qu'est la « Nation » parce que c'est elle, évidemment, qui permettrait de camoufler le tour de passe-passe ainsi opéré. L'examen de la composition des députés du Tiers-État révèle leur origine sociale : ce sont des avocats, des négociants et des soldats, autrement dit, ils constituent ce que l'on appellerait aujourd'hui la classe moyenne. Lorsque le Tiers-État, en juin 1789, dit représenter la Nation (d'où le terme d'Assemblée Nationale), il est important de comprendre que le Tiers-État, et la bourgeoisie derrière, se dissout en tant qu'ordre, se nie en tant que classe : il décide de ne plus être un ordre au milieu des autres, mais se généralise en se proclamant la « Nation ».

La nuit du 4 août, les privilèges sont officiellement abolis. Ils sont remis aux mains de la Nation : c'est elle, qui perçoit les impôts et la dîme, qui exige les corvées et qui rend la Justice. En outre, le droit de porter les armes et le droit de chasse se démocratisent : il faut d'ailleurs rappeler que le droit de porter les armes, jusque-là réservé à la noblesse, fut près d'être inscrit à l'article 10 de la Déclaration des droits de l'Homme de 1789 mais qu'il ne le fut pas, car jugé trop évident par le Comité des Cinq (en charge de faire la synthèse des multiples projets de Déclarations des Droits) pour qu'on l'y inscrive. C'est donc à la Nation que sont remis ces privilèges. Mais la Nation n'est rien d'autre que le Tiers-État, qui s'est auto-généralisé. Les privilèges déposés dans les mains de la bourgeoisie ne sont ainsi plus des privilèges mais des « droits » car la bourgeoisie, leur bénéficiaire, a résolu de s'appeler Nation.

dimanche 10 décembre 2023

Qu'est-ce qu'un « bon » juriste ?

 

Jacques Chevallier a écrit en 2018 un article s'interrogeant sur ce qu'est un « bon » juriste. Il en distingue deux traits : sa maîtrise de la technique juridique d'une part, qui lui permet de se repérer dans le maquis des textes et des décisions de justice, et d'autre part, une solide culture générale, débordant les frontières du droit pour s'aventurer dans les sciences sociales, afin de permettre une interprétation créatrice solide capable de contribuer à l'évolution du droit positif au-delà des règles établies. Je souscris à ces propos tout en notant, cependant, qu'ils me paraissent incomplets. En effet, une telle approche, qui se concentre sur l'aspect intellectuel du raisonnement juridique, me semble écarter une donnée fondamentale, relative à la question de la légitimité du droit et à l'attitude qui doit être celle d'un bon juriste.

Il faut d'abord revenir aux fondamentaux. Pour être obéi, le droit doit être légitime. Cela, tout le monde le sait. Je renvoie ainsi aux développements des Pr. Muriel Fabre-Magnan et François Brunet dans leur « Introduction générale au droit » (PUF, rééd. 2022). Il est toujours bon d'abandonner (temporairement) les manuels spécialisés pour relire ceux qui traitent les thématiques premières de cette discipline.

Le plus souvent, le droit est défini comme un ensemble de règles régissant la vie en société et sanctionnées par un appareil de contrainte spécialement institué à cet effet, qui veille au respect de l'ordre et en châtie la violation. Une telle définition se retrouve autant chez Max Weber que chez Emile Durkheim (et se retrouve même chez Durkheim à la fin du XIXe siècle, donc avant Weber). Elle met l'accent sur l'outil de coercition institué pour sanctionner le respect de ces règles. Or c'est, précisément, ce qui tend à donner aux étudiants une image erronée de l'obéissance au droit, car ayant ce modèle descriptif en tête, ils en arrivent à croire que l'obéissance à la règle de droit repose sur la crainte de la sanction -ce qui est absolument faux.

Pour une raison d'ordre pratique, toutes les règles de droit ne sont pas susceptibles d'être sanctionnées, ni effectivement ni potentiellement, non seulement parce qu'elles ne sont pas systématiquement assorties d'une sanction mais aussi parce qu'il faudrait un policier derrière chaque individu. En outre, la sanction est impuissante, ne peut pas être mise en œuvre, lorsque des masses entières désobéissent au droit : elle ne joue que contre les exceptions qui se produisent. En réalité, la sanction n'est donc pas la cause de l'obéissance au droit, c'en est la conséquence. C'est parce que les gens respectent la règle de droit qu'il devient possible de punir les quelques fautifs qui s'en écartent. Mais pour obéir au droit, il faut, précisément, en reconnaître la légitimité, ou accepter du moins la légitimité de l'autorité chargée de dire le droit.

Les Romains le savaient, et cultivaient, dans leur science juridique, cet art du juste et de l'équitable ; ce qui explique, comme le Pr. Michel Villey l'avait remarqué, la conservation d'un si vaste Empire sur autant de siècles : la seule force des légions n'y aurait pas suffi et il a bien fallu que les populations conquises, aussi hétérogènes qu'elles soient, adhèrent à la civilisation romaine, et donc à son droit. Comme l'énonce le Digeste, ce recueil de textes paru sous l'Empereur Justinien au VIe siècle après Jésus-Christ : « Jus est ars boni et aequi » (ce qui signifie en l'occurrence : « Le droit est l'art du bon et de l'équitable »). Le droit est essentiellement, sinon complètement, un système de légitimité, qui ne serait pas viable s'il ne se nourrissait pas de valeurs partagées.

Et c'est là que l'on en revient à ce qu'est un « bon » juriste. En tant que spécialiste du droit, au contact de l'ordre juridique comme le soldat est au front, l'homme de loi doit (ou devrait...) savoir que droit et légitimité sont indissociables. Faire du droit son domaine d'activité implique ainsi une responsabilité du juriste à l'égard de la règle de droit qui lui paraît injuste, illégitime parce qu'injuste, et qui choque sa conscience. C'est une donnée méconnue. Polémique, cette opinion gêne, beaucoup plus qu'elle ne choque dans son principe. Mais un bon juriste doit tirer toutes les conséquences d'une loi qui lui paraît illégitime. Je n'irai certes pas jusqu'à dire qu'être juriste est dangereux, mais Dieu sait que le droit n'est pas un jeu et que les responsabilités sont bien là... !

Cela semble paradoxal. Après tout, à première vue, on comprend mal comment le fait de désobéir à la loi, fût-elle injuste, puisse être concilié avec l'étude du droit, et, à plus forte raison, avec le fait d'être bon juriste. C'est plutôt l'idée suivante, qui se présente à nous : quelqu'un qui fait son étude des lois leur doit précisément respect. Ce n'est pas moi qui dira le contraire. Il faut seulement comprendre que le juriste, parce qu'il est au contact du droit, qu'il en est le témoin privilégié, sait que le droit est indissociable, inséparable de la légitimité, ce qui doit l'engager à adopter une attitude particulière face à la loi qui lui semble injuste, qu'il juge illégitime, et qu'il doit donc lui désobéir -ce qui est, bien souvent, la meilleure manière de faire honneur au droit légitime : le « bon » juriste n'a donc pas uniquement les aptitudes intellectuelles signalées par Jacques Chevallier ; il est aussi doué d'aptitudes de caractère. Au fond, ironiquement, le bon juriste est un peu anarchiste sur les bords car dans son insoumission réside l'âme de la liberté.

On ne peut pas être un « bon » juriste et, en parallèle, se dédouaner face à une loi illégitime en disant : « Je suis juriste, je me contente de suivre le droit en vigueur et ma conscience n'entre pas en jeu ». C'est un défaut commun chez les juristes de toutes professions (magistrature, professorat, barreau...), et dont Alexis de Tocqueville avait plus ou moins cerné une partie des causes au XIXe siècle :

« Les hommes qui ont fait leur étude spéciale des lois ont puisé dans ces travaux des habitudes d'ordre, un certain goût des formes, une sorte d'amour instinctif pour l'enchaînement régulier des idées, qui les rendent naturellement fort opposés à l'esprit révolutionnaire et aux passions irréfléchies de la démocratie » (« De la Démocratie en Amérique » Paris, Pagnerre, rééd. 1848, tome 2, pp. 157-158).

Naturellement, son explication doit être partielle, et je pense que l'origine sociale des juristes mérite d'être prise en compte : provenant de milieux économiques souvent bourgeois, aisés, ils ont matériellement plus à perdre que les autres à désobéir à la loi... En outre, leurs milieux sociaux étant animés, depuis l'Ancien Régime, d'idées libérales, ils sont imprégnés de l'esprit de modération et de compromis.

En résumé, et c'est le point important à retenir : on peut avoir une connaissance pointue de sa matière, on peut être un grand spécialiste du droit, connaître sur le bout des doigts le dernier arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne, être capable, par l'étendue de sa culture, de produire des interprétations audacieuses et créatrices, être consulté par des instances d’État à l'occasion d'une réforme juridique, mais ne pas être au plan objectif un « bon » juriste. Nos magistrats et nos professeurs de droit auraient dû en savoir quelque chose, en 1940 : en prêtant serment de fidélité au maréchal Pétain et au régime de Vichy, ils obéirent à une légalité que l'Ordonnance du 9 août 1944 du G.P.R.F. déclara rétroactivement nulle et sans effet (art. 2). Peut-être certains auraient-ils pu aussi en tirer les conséquences lors d'une séquence récente : la gestion politique de la crise du coronavirus.

Non : le « bon » juriste n'est pas un légaliste.

samedi 10 décembre 2022

De quelques erreurs et malhonnêtetés dans le dernier livre d'Olivier Beaud. Focus sur le Maccarthysme.

 

Ma récente lecture du dernier essai du Pr. Olivier Beaud portant sur les libertés académiques m'inspire plusieurs critiques. Elles concernent, principalement, les erreurs grossières, simplifications et malhonnêtetés intellectuelles dont l'auteur se rend coupable. En l'occurrence, mes réflexions valent pour l'ensemble de l'ouvrage, loin d'être exempt de défauts, mais c'est le chapitre traitant du maccarthysme qui retiendra ici toute mon attention, celui-ci regorgeant, plus que tout autre, de pêchés intellectuels et ce, sans que nul ne s'en soit ému à ma connaissance, soit par complaisance, soit, et c'est encore le plus probable, par ignorance, la culture générale s'appauvrissant jusque dans le corps des maîtres de conférences et des professeurs d'Université.

A la page 108 de son livre, l'auteur démarre en beauté, écrivant : « La pression sur les professeurs communistes diminua après l'invasion de la Russie soviétique par Hitler, mais [...] l'offensive reprit de plus belle à l'époque de la Guerre Froide symbolisée par ce mot de maccarthysme, du nom du sénateur Joseph McCarthy, anticommuniste viscéral qui présida le comité chargé de traquer les activités anti-américaines, connu sous l'acronyme de H.U.A.C (note bas de page : L'expression américaine est House Un American Activities Committee) ».

Premièrement, Joe McCarthy n'a jamais fondé, ni été membre ni été le président de la Commission d'Enquête sur les Activités Anti-Américaines. Pour une bonne raison : cette Commission d'Enquête relevait de la Chambre des représentants, tandis que McCarthy siégeait au Sénat. Si l'erreur est, en règle générale, assez commune dans l'esprit populaire, elle est, en revanche, grossière de la part d'un professeur de l'acabit d'Olivier Beaud, réputé spécialiste de droit public qui plus est. Pour être plus précis, la Commission d'Enquête fut présidée par John Parnell Thomas (photographié ci-dessous) de 1947 à 1948, par John Stephens Wood de 1949 à 1953 et Harold Velde de 1953 à 1955.

Deuxièmement, préciser en note de bas de page que l'acronyme de la Commission d'Enquête est « H.U.A.C. » frise la mauvaise foi ou l'aveu d'ignorance. En effet, le nom complet de cette commission parlementaire est House Committee on Un-American Activities, soit «  H.C.U.A  ». La nuance est de taille, et loin d'être innocente parce qu'elle exprime un parti-pris. En fait, l'acronyme H.U.A.C. fait directement référence à l'expression House Un-American Activities Committee, qui a été inventée à la fin des années 1940 par le scénariste communiste John Howard Lawson (ci-dessous) afin de tourner en dérision la Commission. Par cette formule, il signifiait que les activités anti-américaines étaient celles de la Commission elle-même. En outre, l'acronyme H.U.A.C. donne, quand il est prononcé, une sonorité similaire au « beurk ! » anglophone. C'est pourquoi il est largement préférable d'éviter d'utiliser cette expression.

Par la suite, Olivier Beaud cite le cas de trois professeurs renvoyés de l'université de Washington à cause de leurs opinions marxistes. Ces trois enseignants sont Herbert J. Phillips, Joe Butterworth et Ralph Gundlach. L'auteur a raison de souligner le traitement ignoble infligé aux professeurs Phillips et Butterworth. Mais dans son chapitre, il ne souffle pas le nom du troisième universitaire, dont il a fallu chercher le nom par nous-même : il s'agit, on l'aura compris, de Ralph Gundlach -renvoyé en même temps que ses deux autres collègues en janvier 1949.

Après avoir parlé de Phillips et Butterworth, le Pr. Beaud remarque : «  Le cas le plus frappant fut l'infliction de la même sanction à un troisième professeur qui refusa de faire un tel aveu [qu'il était communiste] et fut remercié pour son manque de franchise ».

Il reprend : «  Dans ces discours [du président d'Université], la question concrète de savoir si, malgré leur appartenance au Parti Communiste, les professeurs en question faisaient correctement leur métier et, par exemple, n'endoctrinaient pas leurs étudiants, n'était pas posée ». Pourtant, d'après les témoignages de plusieurs de ses ex-étudiants, Ralph Gundlach faisait bien de la propagande communiste, utilisant sa salle de cours comme tribune politique. Plusieurs de ces témoignages ont été publiés en anglais ici (le lecteur a toute disposition de les consulter). S'il s'agit d'un « cas frappant », c'est surtout pour la propagande que cet universitaire dispensait pendant ses cours.

Voici un témoignage, traduit par nos soins :

« Gundlach orientait totalement ses cours sur la défaite du capitalisme, les mensonges de nos Pères fondateurs, l'élimination des Églises, et son avis selon lequel le Gouvernement américain était contrôlé par une poignée de Juifs européens. Sa solution, prêchée maintes et maintes fois en classe, était le communisme total. [...] Les articles et les brochures qu'il distribuait en classe, étaient directement fabriquées à Moscou. L'une de ses réunions sur le campus, à laquelle j'ai assisté, portait sur le renversement du Gouvernement américain ».

A la page 109 de son livre, Olivier Beaud écrit que les universitaires renvoyés voulurent se défendre devant le comité McCarthy, en invoquant le 5e amendement de la Constitution qui permet de ne pas témoigner contre soi-même. En l'espèce, l'auteur fait une double confusion : la première le conduit à confondre la sous-commission sénatoriale de Joseph McCarthy avec la Commission d'Enquête sur les Activités Anti-Américaines, et la seconde lui fait confondre cette Commission d'Enquête, fédérale, avec une autre commission de nom proche (Interim Committee on Un-American Activities, aussi appelée Comité Canwell) mais qui siégeait au niveau fédéré, celui de l’État de Washington. C'est devant elle que sont passés Gundlach, Butterworth et Phillips : en aucun cas devant le H.C.U.A ou devant le comité de McCarthy.

  
 

Ensuite, dans une note de bas de page à la page 110, l'auteur écrit que la Cour Suprême des États-Unis rend en 1959 l'arrêt Baremblatt v. United States qui déclare constitutionnel le fait de demander à un professeur s'il est communiste. Son affirmation est mensongère. Cet arrêt déclare conforme à la Constitution le fait de demander à un professeur s'il est membre du Parti Communiste, et la nuance est fondamentale. En effet, dans la version qu'en donne Olivier Beaud, le lecteur croit que la liberté de penser est directement mise en cause, alors que la question posée, loin de porter sur un élément intellectuel, porte sur un élément factuel : ont-ils ou non la carte de membre du Parti ?

La question n'est pas laissée au hasard : la liberté de s'exprimer (dans le cadre de la réserve dont doit faire preuve un professeur dans le cadre de son cours), de penser ou d'écrire comme communiste ne leur est pas refusée. En revanche, le fait de posséder la carte du Parti témoigne, elle, de la volonté résolue de s'engager dans un parti organisé, doté, à l'époque, d'une organisation clandestine, montée pour renverser par la force le Gouvernement et la Constitution démocratique des États-Unis, ce qui méritait une enquête au moins partielle.

En outre, il faut éviter de tomber dans le cliché d'universités américaines totalement soumises au maccarthysme. Raymond Aron (1905-1983), professeur à l'ENA et à l'Institut d’Études Politiques de Paris au début des années 1950, au plus fort du maccarthysme, précise dans « L'opium des intellectuels » (1955) que l'intellectuel européen qui voyage aux Etats-Unis y rencontre le conformisme anti-McCarthy bien plus qu'il y devine la soi-disant «  toute-puissance » du mccarthysme.

Raymond Aron indique : « Tout le monde est contre le fameux sénateur (la seule exception notable est James Burnham qui s'est refusé à une condamnation pure et simple du sénateur et fut, de ce fait, exclu de la communauté de la Partisan Review) [...] Dans une université américaine, celui qui ne serait pas anti-McCarthy serait sévèrement jugé par ses collègues (encore n'aurait-il rien à craindre pour sa carrière). Et pourtant, ces mêmes professeurs hésitent parfois à s'exprimer publiquement sur certains sujets, par exemple le communisme chinois. Le conformisme anti-McCarthy se combine curieusement avec le conformisme anti-communiste. En dénonçant les procédés du sénateur, on ajoutera que l'on ne déteste pas moins le communisme que lui ».

Dans son chapitre sur le maccarthysme, Olivier Beaud fait aussi allusion à Angela Davis et Ward Churchill, deux professeurs renvoyés de leur université pour avoir tenus certains propos. Angela Davis avait traité les policiers de porcs (« pigs »), et Ward Churchill n'avait rien trouvé de mieux à faire que de comparer les victimes du 11-Septembre à des « petits Eichmann en puissance ». Olivier Beaud écrit à ce sujet : «  On s'aperçoit à cette occasion que le fait pour un professeur américain d'avoir une tenure (garantie d'emploi) ne le prémunit pas contre un licenciement si la pression politique est trop forte lorsqu'il prend une position politique hétérodoxe, voire provocatrice ».

Au-delà du caractère moralement discutable du procédé qui consiste à qualifier ces insultes (en particulier d'ailleurs dans le cas d'Angela Davis) de «  positions politiques hétérodoxes voire provocatrices », il faut préciser que ces exemples montrent, surtout, qu'aux États-Unis les intellectuels sont considérés comme des citoyens à l'égal des autres, et qu'ils ne constituent pas -comme c'est le cas en France- une caste privilégiée autorisée à sortir n'importe quoi.

En outre, lorsqu'Olivier Beaud critique brièvement l'idée selon laquelle l'appartenance au PC aurait porté atteinte à la liberté intellectuelle de ses membres, il témoigne d'une certaine ignorance, pour ne pas dire d'une ignorance certaine, de l'exigence d'orthodoxie imposée aux membres du Parti. A titre d'exemple, l'écrivain et scénariste Albert Maltz (1908-1985) avait défendu «  l'art pour l'art » dans son essai de 1946 «  What Shall We Ask of Writers ». Mais devant les attaques du Parti et après avoir été traîné devant un pseudo-tribunal présidé par le réalisateur Abraham L. Polonsky, il dut s'excuser, retourner dans le rang et défendre la ligne officielle de «  l'art comme arme ».


Derniers mots sur MacCarthy

Ceci fait, il faut noter que le chapitre consacré au maccarthysme par Olivier Beaud permet néanmoins de revenir sur le sénateur McCarthy et, recul aidant, de s'interroger sur le mouvement qui a pris son nom. Il est hors de doute que McCarthy ait été un démagogue. Son principal défaut résidait dans son incapacité à comprendre la sympathie, sinon l'indulgence, que les intellectuels libéraux éprouvaient à l'égard du communisme, lui y voyant la marque d'un complot. En outre, en attaquant l'armée à partir du milieu de l'année 1954, il se fit beaucoup plus d'ennemis que ce à quoi il pouvait faire face. Joe McCarthy censuré et disparut, la chasse aux rouges subit une nette baisse d'intensité. Elle ne persista qu'en arrière-fond et ne reprit haleine qu'avec l'élection de Ronald Reagan à la présidence de la République, sans retrouver la violence qui était la sienne au lendemain de la guerre. Si le maccarthysme n'est donc pas né avec McCarthy, il s'éteint avec lui, le premier ayant fini par s'identifier au second.

Pourtant, une interrogation demeure. Plus d'un demi-siècle après sa mort, McCarthy suscite une haine, pour une large part irrationnelle, dans les milieux de gauche. Pourtant, Joseph McCarthy n'était pas le seul anti-communiste farouche du monde politique américain : à leur manière, Ronald Reagan, Barry Goldwater et Richard M. Nixon furent d'ardents champions de l'anti-communisme, le premier ayant collaboré à la constitution des listes noires de Hollywood et le troisième ayant siégé dans la redoutable Commission d'Enquête sur les Activités Anti-Américaines (H.C.U.A). Mais ils ne semblent pas susciter autant de haine que McCarthy. S'il y a une clé de compréhension, elle réside, peut-être, dans la parenté des méthodes employées.

En Union Soviétique, Pavel Morozov fut élevé en héros à 14 ans pour avoir dénoncé son père au N.K.V.D. En outre, pendant les procès de Moscou, il était exigé des actes de contrition et de dénonciation des inculpés de leurs camarades «  contre-révolutionnaires ».

En Chine, Mao Zedoung imposa à son peuple un régime de terreur et de délation généralisée. Quant à l'Allemagne de l'est, on estime qu'un demi-million de personnes y auraient sombré dans la paranoïa des dénonciations avec la bénédiction de la Stasi, police secrète de la R.D.A. L'occasion de rappeler que, lorsqu'il s'agit de créer un climat de délation généralisée et de dénoncer des ennemis, réels ou supposés, la gauche communiste sait très bien le faire elle-même.

En outre, l'idée selon laquelle la gauche non communiste se serait toujours opposée à ce qui relève du maccarthysme est fausse. Non seulement le H.C.U.A fut fondé en 1934 par un élu progressiste du Parti Démocrate, mais au début des années 1940, ceux qui s'opposaient à l'entrée en guerre des États-Unis furent pris pour cibles et harcelés, sans distinguer les authentiques sympathisants nazis des isolationnistes. Roosevelt insista pour que le Département de la Justice persécute ses opposants. A la radio, le journaliste Walter Winchell citait les noms des isolationnistes. En 1964, Daniel Schorr, reporter à CBS, déclara que les vacances d'été de Goldwater étaient destinées à nouer des liens clandestins avec des éléments nazis. Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, qualifia d'anti-américains les citoyens qui manifestaient en 2009 contre l'Obamacare.

En Europe, à l'époque contemporaine, les électeurs et militants de certains partis politiques furent, pendant plusieurs décennies, publiquement traînés dans la boue, harcelés sans relâche et parfois molestés par les sympathisants de gauche, le payant au prix de leur carrière, quand ce n'était pas de leur santé. Si ces méthodes sont louables ou du moins tolérables quand la gauche y recourre, elles sont, à l'inverse, insupportables quand elle en est la victime. En effet, dès lors que l'on prétend agir au nom du Progrès ou de l'Humanité, ce qui est le cas de la gauche (et qui la rend si dangereuse...), cela signifie que l'on peut tout se permettre. D'où le fait que, dans l'Histoire, les grands humanistes soient souvent de grands assassins. Dans ces conditions, on comprend donc que ce ne sont pas les méthodes du maccarthysme qui posent problème et suscitent une réprobation aussi profonde, mais le fait qu'elles aient été associées aux idées de McCarthy et, partant, à l'anti-communisme le plus absolu. Pour reprendre le célèbre mot du philosophe Sartre : «  Tout anti-communiste est un chien !  »

Avoir retourné contre la gauche ses propres méthodes : tel est le forfait imprescriptible du sénateur Joseph McCarthy.